Seul pays lusophone d’Amérique latine et nation la plus peuplée d’Amérique du Sud, dont il occupe la moitié de la superficie, le Brésil se distingue aussi par une institution unique : son système officiel de traduction certifiée, datant de plus de 250 ans et encadré par un décret-loi détaillé promulgué il y a 80 ans. Dans un pays où les scandales de corruption sont légion, la pérennité du système de tradução juramentada, internationalement reconnu, est remarquable. Ses prestataires jouissent de la confiance du public.
L’accès à la profession a toujours été difficile, conditionné à la réussite d’examens écrits et oraux si exigeants que le taux de réussite de la dernière session à Rio était de 5 %. Il faut aussi fournir de nombreux documents prouvant des antécédents irréprochables, avant d’obtenir un numéro d’immatriculation de l’organisme de réglementation de la profession.
En tant que fonctionnaires, les personnes ayant réussi l’examen assument la responsabilité civile et pénale de leur travail, sans pouvoir se dédouaner par une clause de non-responsabilité ou un serment de faire au mieux. Chaque traduction certifiée porte les armoiries du Brésil, reflétant le sérieux de la tâche et sa nature de service public.
Toutefois, une manœuvre législative remet soudain en question ce système. Une clause d’un projet de loi ambitieux visant à moderniser cette réglementation vieille de 80 ans autorise le gouvernement à renoncer à l’examen public et à inscrire les traducteurs et traductrices sur la seule base de certificats de langue, sans exiger d’expérience en traduction, d’expertise juridique ou de qualifications récentes. Un certificat obtenu plusieurs décennies auparavant suffirait à satisfaire à la nouvelle loi.

En réaction, onze associations de traduction se sont unies sous le nom de Juramentados Unidos (traducteurs assermentés unis), avant de former une fédération nationale (FENATIP). Ce collectif a contesté la nouvelle loi devant plusieurs tribunaux. L’affaire dépend désormais du Tribunal suprême fédéral (STF) où, perçue comme mineure, elle risque d’être éclipsée par des affaires politiques très médiatisées.

C’est à ce moment crucial que le Centre régional FIT Amérique latine est intervenu, en août 2025, par une lettre officielle adressée au président du STF expliquant qu’un examen de langue ne permet pas d’évaluer les compétences nécessaires à la traduction certifiée. Elle a également mis en garde contre une baisse de confiance publique qui menacerait gravement la souveraineté du Brésil.
La FIT, lors de son Congrès statutaire de septembre, a réaffirmé cette position par la Résolution XXIII, condamnant la déréglementation, qui sape la responsabilité, la traçabilité et l’intégrité des systèmes de traduction officielle. Elle souligne que les réformes promettant rentabilité et flexibilité peuvent miner la sécurité juridique, l’application régulière de la loi et la fiabilité des cadres juridiques nationaux et internationaux, notamment dans les contextes judiciaire, d’état civil, contractuel, migratoire et des marchés publics.
Le soutien conjoint de FIT Amérique latine et de la FIT, sous forme de lettres, résolutions et dialogue international, démontre que le Brésil ne lutte pas seul ! Nous leur exprimons donc notre profonde gratitude.
Monica Hruby, présidente, ATP-Rio et FENATIP
